Les perspectives d’employabilité des jeunes dans les pays méditerranéens
Lors de la deuxième journée de la Semaine économique de la Méditerranée, la place a été laissée aux représentants du projet collaboratif SAHWA, pour une conférence organisée par ANIMA Investment Network, le jeudi 3 novembre de 15h à 16h en salle Agora. Un projet qui s’articule autour d’une gr ande enquête menée pour agir en faveur de l’éducation et de l’emploi des jeunes dans les pays du Maghreb.
Scindée en deux tables rondes, la première partie de la conférence a été assurée par quatre intervenants participants projet SAHWA. Né en 2010, ce projet de gr ande envergure autour de la Méditerranée réunit plus de 10 000 personnes dans cinq pays différents : l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie. L’objectif de SAHWA est d’explorer les attentes et les perspectives de la jeunesse de ces pays en termes d’éducation et d’employabilité. Il permettra de tirer les conclusions nécessaires à la mise en œuvre future de politiques et d’actions efficaces pour que cette tranche de la population puisse accéder au marché du travail.
Première table ronde : Education et emploi des jeunes dans les pays arabes méditerranéens, résultats de l’enquête jeunesse SAHWA.
Nacer Eddinne Hammouda, chercheur et partie prenante du projet SAHWA en Algérie ouvre la table ronde : « Il y a un certain nombre de choses semblables entre les 5 pays, mais aussi des différences. Concernant l’Algérie sur laquelle j’ai travaillé, l’idée est que malgré les efforts qui ont été faits pour l’éducation, il y a énormément de déperditions. » Celui-ci pointe du doigt les différentes fractures qui existent dans ces pays, qu’il s’agisse des différences de langues, de population, ou de la distinction Homme/Femme. Il souligne le lien étroit entre éducation et emploi. Le problème majeur réside dans le décrochage scolaire de nombre de jeunes qui ne vont pas jusqu’au bout de l’enseignement fondamental. Cela a un impact très fort sur leur insertion économique et sociale future. « Le système de réinsertion n’est pas calibré pour récupérer ces déperditions, il s’adresse déjà à des gens avec un niveau scolaire. C’est un véritable défi pour nos pays de se focaliser sur cette tranche de la population pour revoir les politiques publiques ».
C’est ensuite à Driss Ksikes (Director, HEM-SECEM) de prendre la parole. Celui-ci a travaillé sur le cas du Maroc. Son premier constat concerne la vulnérabilité des jeunes sur le marché du travail. « 30% des jeunes seulement font partie de la population active. Ce constat concerne particulièrement les femmes. Parmi les jeunes actifs, beaucoup travaillent sans contrat de travail ». Il insiste sur la prévalence de l’emploi informel au Maroc. « Le faible nombre de contrats de travail mène les jeunes à prendre n’importe quel emploi, avec une faible volonté de s’insérer dans un domaine ou un autre. ». Les chiffres de l’étude SAHWA font ressortir le manque de confiance en l’école pour s’en sortir économiquement chez les jeunes. Ce bilan ramène à la question de la rupture scolaire et de la nécessité de développer des structures d’apprentissage tendant vers l’entreprenariat.
La partie finale de cette tribune a été assurée par Mustafa Al-Sayyad (Administration and Research Specialist, American University of Cairo), qui s’est intéressé au cas de l’Egypte. Il précise d’abord que si en Egypte les jeunes sont arrivés à un certain niveau d’éducation, ce n’est pas parce qu’ils le veulent mais parce que c’est une nécessité sociale. Cependant, « l’éducation est considérée comme importante en Egypte, mais il y a une inadéquation du fait du manque de qualité de l’enseignement. Le fait d’être éduqué en Egypte ne veut pas dire que vous allez avoir un emploi ». En Egypte l’éducation est gratuite et fournie par l’Etat, mais elle est d’un faible niveau. C’est d’autant plus parlant lorsqu’on sait que la plupart des gens interrogés ont un certificat d’éducation mais qu’ils ne travaillent pas dans le domaine qu’ils ont étudié, par manque de compétences et de qualification.
Deuxième table ronde : Bonnes pratiques éducation et formation
Pour la deuxième table ronde, la parole a d’abord été donnée à Jochen Tholen de l’Université de Bremen en Allemagne, partenaire du projet SAHWA. Il évoque une « génération frustrée ». « Une raison pour laquelle il peut y avoir de la frustration est l’exclusion sociale ». Il note une amélioration dans les niveaux d’éducation mais que les emplois manquent. Il pointe la disparité entre éducation et marché du travail. Plusieurs questions se sont alors posées : « Qui sont ces jeunes qu’on pousse en marge de la société ? », avec l’hypothèse de dire que le risque d’exclusion « n’est pas réparti de manière inégale mais favorisé par plusieurs facteurs comme l’éducation ». Mais aussi « comment mesurer l’exclusion sociale ? ». Pour ce faire, une série de 24 indicateurs ont été mis en place pour l’étude, avec plus de 2000 jeunes interviewés. Il conclut que l’exclusion peut être de trois sortes : économique, scolaire et à travers la vie politique et civique.
C’est à Ana Martiningui (Communications and Research Manager pour EuropEFE) de poursuivre. EuropEFE (Education for employment) mène des actions dans le Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient –MENA- pour apporter leur assistance et expertise dans le cadre de programmes d’employabilité à destination des jeunes. C’est aussi un partenaire du projet SAHWA. « Si les jeunes sont inactifs très tôt, il est plus difficile pour eux de trouver un bon emploi, ils deviennent démotivés et quittent le marché du travail. » Elle identifie 6 facteurs favorisant le manque d’emploi (a démographie, l’urbanisation rapide, les tendances politiques, économiques, sociales et l’éducation). Souvent les entreprises se plaignent de ne pas trouver une main d’œuvre qualifiée, car les jeunes ne savent pas remplir leur CV ou comment se rendre à leurs entretiens, des difficultés qu’EuropEFE tente de résoudre.
Puis, la parole a été laissée à Francine Bevan (chargée de projets à Aix-Marseille Université) pour présenter le projet RESUME, mis en place par Aix-Marseille Université et le Consortium des Universités Euro-Méditerranéennes TETHYS. RESUME a pour objectif d’améliorer le rôle et le potentiel des établissements d’enseignement supérieur dans le cadre du développement de l’employabilité des pays méditerranéens, et ce, grâce à un esprit d’entreprise transversal et en structurant le dialogue entre les universités, les entreprises et les décideurs politiques.
Enfin, c’est à Michèle Mansuy (Ancienne Directrice du Pôle Etudes et Recherche de l’OCEMO) que sont revenus les derniers mots de cette deuxième table ronde. Celle-ci rappelle qu’une gr ande enquête régionale a été menée par l’OCEMO au Maroc dans le but d’aider le pays à mettre en place « des plans d’action en faveur des jeunes ». Cette enquête, menée en collaboration avec des partenaires marocains, doit servir de base pour un futur observatoire de la jeunesse. Celle-ci permet à tous les chercheurs qui le souhaitent d’avoir accès à un ensemble de micro-données mises sur un portail libre d’accès. De plus, elle dote les acteurs locaux d’outils pour leurs actions en faveur des jeunes. Les résultats de l’enquête ont montré de grosses disparités territoriales au Maroc. « 57% des femmes vivant dans des milieux ruraux enclavés n’ont jamais été à l’école. Parallèlement, les femmes de milieux urbains défavorisés sont majoritairement inactives. ». Une série de publications sur le sujet est accessible la page : http://www.ocemo.org/fr/cote-med-documents-a-telecharger/
POSSENTI Ellora