3èmes Rencontres euro-méditerranéennes du crowdfunding
Vendredi 4 novembre 2016, Pop Finance et ses partenaires ont exploré de nouvelles formes d’économie et de finance participative, autour de plusieurs ateliers.
Parmi ceux-ci, deux ateliers se sont tenus au cours de la matinée, en illustration du crowdfunding. Le premier s’est intéressé au cas particulier de l’immobilier et le second s’est focalisé sur les liens entre les plateformes de crowdfunding et les Business Angels.
Vers un Crowdfunding de niche ? Le cas de l’immobilier
Au cours de cette séance, Céline Mahinc (Eden Finances) a présenté l’étude « Le crowdfunding immobilier : son fonctionnement, ses enjeux, ses défis », qu’elle a réalisée en partenariat avec CM Economics. Elle a apporté un éclairage sur les nouvelles possibilités de financement offertes par le crowdfunding à l’immobilier français, mais également sur les risques que cela génère.
De plus en plus de promoteurs immobiliers se tournent désormais vers ce mode de financement innovant et participatif. Il existe à présent 27 plateformes de crowdfunding, certaines généralistes, d’autres plus spécialisées, dont les deux plus actives sont Anaxago et Wiseed.
Anaxago publie un baromètre sur le crowdfunding immobilier qui atteste de la vitalité de ce secteur. Selon son responsable Edouard Le Scanff, une centaine de promoteurs ont déjà fait appel au crowdfunding pour diversifier leurs sources de financements, permettant la création de 6 000 logements en France et de 12 000 emplois depuis 2011.
Le crowdfunding immobilier, qui représente 25 % de la valeur du secteur, est en effet en plein essor et a atteint en 2015 près de 40 millions de levées de fonds. En 2016, on estime que ce résultat sera multiplié par 2.
La France a été pionnière en matière de réglementation du crowdfunding et a développé tout un arsenal juridique. En fonction du type de financement que propose la plateforme de crowdfunding, il existe différents statuts réglementés :
- l’IFP (Intermédiaire en Financement Participatif) encadre le financement de projets sous forme de prêts ;
- le CIP (Conseiller en Investissement Participatif) et PSI (Prestataire en Services d’Investissement) encadrent les plateformes d’equity, qui financent des projets, non pas par des prêts, mais par souscription de titres financiers (actions, obligations ou mini-bons) émis par une société.
- La plateforme de dons, non réglementée, concerne quant à elle davantage le secteur associatif et de l’ESS
La très gr ande majorité des plateformes finance des projets de promotion immobilière, via une société intermédiaire, par la souscription d’obligations. Cependant, le crowdfunding immobilier concerne également le financement de projets de rénovation ou d’investissement dans l’immobilier locatif.
- Alami, Président du Club Immobilier Marseille Provence, qui agrège différents acteurs de la filière immobilière et organise des événements (La nuit de l’immobilier etc.), a témoigné de l’utilité des plateformes de crowdfunding pour lever des fonds propres, en dehors du traditionnel prêt bancaire. Cela permet au promoteur de lancer plusieurs opérations et de développer son activité, t andis que la rapidité de la levée de fonds présente un réel avantage.
Cependant, seulement 20% des dossiers immobiliers déposés sont acceptés par les plateformes de crowdfunding. Edouard Le Scanff a donné des éléments de réponse sur les critères de sélection des projets : on y trouve l’expérience et l’historique du promoteur, le programme de commercialisation, les risques techniques et financiers.
Il existe en effet un risque pour les investisseurs, qui doit être maîtrisé. La rémunération des investisseurs est variable en fonction du risque et d’une plateforme à l’autre. Dans le cas d’Anaxago, elle sera comprise entre 8 et 15% par an. Les frais prélevés sur le porteur de projets, et dans une moindre mesure sur l’investisseur, sont également variables.
Si le risque en perte de capital et de liquidités demeure, l’investissement dans le crowdfunding immobilier promet néanmoins souvent des rendements intéressants et a l’avantage d’être un investissement dans un projet identifié de l’économie réelle.
Lors des questions de l’auditoire, une réflexion a été soulevée sur la prise en compte de la responsabilité sociétale dans le financement, pour faire émerger des projets d’aménagement durable, d’habitat participatif etc. Aujourd’hui, il n’existe qu’une seule plateforme spécialisée dans l’Investissement Socialement Responsable.
Crowdfunding : qu and les Business Angels s’en mêlent
Cet atelier a réuni différents acteurs du monde des plateformes de crowdfunding et du monde des Business Angels.
S’il existe une convergence, voire une complémentarité des uns et des autres, pour accompagner les entrepreneurs dans le développement de leur entreprise, le dialogue et la coopération ne sont pas toujours évidents entre ces différents acteurs du financement.
Les Business Angels sont structurés en réseaux. Carole Florisoone, du réseau Provence Business Angels, précise qu’il existe 80 réseaux en France en 2016, regroupant 5 000 personnes. Cela reste peu, par rapport au monde anglo-saxon où cette culture est davantage développée. La spécificité est que les Business Angels se regroupent au sein d’associations, qui recrutent des investisseurs et sélectionnent des projets/ des start-ups qui recherchent des financements. Au-delà du financement, le Business Angel met également à disposition son expérience et son savoir-faire, selon un modèle de bénévolat.
Business Angels et plateformes de crowdfunding sont autant d’intermédiaires professionnels qui permettent d’aider les projets dans leur phase d’amorçage ou de croissance.
Si le co-investissement est de plus en plus fréquent, les Business Angels reconnaissent qu’ils ont encore du mal à travailler en synergie avec les jeunes plateformes de crowdfunding. Selon Michel Vacher, Président d’Alumni Business Angels, certaines plateformes de crowdfunding seraient plus « fréquentables » que d’autres. Une certaine méfiance s’est créée entre ces deux mondes diamétralement opposés, le premier étant basé sur le bénévolat, le second reposant sur un modèle de société commerciale. Les Business Angels sont par exemple plus enclins à initier des co-investissements avec des institutions comme PACA Investissement, créé par la Région en 2010.
En pratique, lorsqu’un co-financement est envisagé, il est nécessaire de créer une holding afin de sécuriser l’ensemble des investisseurs des Business Angels sur le crowdfunding. Les Business Angels craignent de se retrouver sur une plateforme avec des investisseurs « non-avertis », le gr and public n’ayant pas, contrairement à eux, une culture entrepreneuriale très développée.
Louise Chopinet, représentante de Weseed, reconnaît que certaines plateformes de crowdfunding ont pu causer du tort à des entrepreneurs. Elle défend cependant l’idée qu’elles sont une solution efficace pour permettre aux start-ups de lever des fonds grâce à l’apport des particuliers. Plus d’une centaine de projets ont ainsi déjà été financés grâce à la création de holdings réunissant des petits porteurs (à partir de 100 euros d’investissement). La communauté Weseed a par ailleurs un potentiel de 75 000 personnes susceptibles d’investir. Parmi les actionnaires des projets, certains peuvent jouer un rôle « d’actionnaire engagé » en mettant leurs compétences au service de l’entrepreneur.
Tahar Slimani, fondateur de Kaalisi, a également soutenu une vision favorable des plateformes de crowdfunding. Pour lui, il s’agit « d’un modèle qui redonne le pouvoir au citoyen ». Il a vanté les mérites de la rapidité de la levée de fonds sur internet, dont les transactions sont de plus en plus fiables et sécurisées. Il répond à deux critiques souvent exprimées par les Business Angels : contrairement à ce que l’on pourrait croire, les plateformes gagnent peu d’argent et concernant la difficulté de gérer plusieurs centaines d’investisseurs, il y a une ou deux personnes compétentes qui sont désignées pour suivre le projet de l’entrepreneur. Un accompagnement au-delà du simple investissement est donc également possible à travers le crowdfunding. Dans la zone méditerranéenne, il y a par ailleurs un fort potentiel de participation des diasporas au financement de l’entrepreneuriat dans les pays d’origine. Enfin, pour prémunir les éventuels abus, les plateformes sont régulées par l’Autorité des Marchés Financiers.
Les Business Angels et les plateformes de crowdfunding n’ont pas toujours la même approche dans la sélection des projets.
Dans le cas des Business Angels, le porteur de projets fait généralement un pitch devant un comité d’investisseurs. Un binôme d’instructeurs évalue le projet (rentabilité, business plan etc.) et s’il est accepté le porteur présente son projet en commission plénière. Une fois validé, la recherche de fonds commence.
Dans le cas des plateformes de crowdfunding, le processus est différent. Weseed mesure d’abord le potentiel d’investissement par un vote du public sur internet. Si cette première phase est favorable, il y a ensuite un audit de l’entrepreneur avant de soumettre son projet au financement participatif.
Quant au suivi du projet de start-up lancé, on observe des similarités, même si les Business Angels ont une présence physique plus importante. L’entrepreneur peut bénéficier de conseils et d’accompagnement et il doit faire un reporting régulier auprès de ses investisseurs, qui sont présents dans différentes instances (comité stratégique, Conseil d’Administration, Assemblée Générale etc.).
En conclusion, les actions des Business Angels et des plateformes de crowdfunding apparaissent complémentaires, même si les synergies ont encore du mal à émerger. Selon Michel Vacher « l’avenir de la coopération est devant nous ». La levée de fonds étant toujours un exercice périlleux, la multiplication des sources de financements permet bien souvent de la finaliser.
Virginie Klein, IMPGT