ANIMA EMEA Business Forum – Sahwa Business Brief
Jeudi 3 novembre 2016, Anima Investment Network et ses partenaires ont eu l’occasion de poursuivre les échanges initiés la veille lors du lancement de l’EMEA (Europe- Middle East- Afrique) Business Forum, destiné à favoriser les rencontres entre entreprises et décideurs économiques de la région.
Dans le cadre de la Semaine économique de la Méditerranée, les participants se sont réunis une nouvelle fois dans l’amphithéâtre de la Villa Méditerranée, afin de partager leurs expériences sur l’entrepreneuriat.
Face au marasme du marché du travail, l’entrepreneuriat apparaît comme un levier important de création de valeur et d’emplois. Les institutions et les organismes de coopération de la zone EMEA se sont donc emparés du sujet, afin de susciter et d’accompagner les vocations entrepreneuriales, notamment chez les jeunes particulièrement touchés par le chômage.
Si la jeunesse méditerranéenne a fait entendre sa voix lors des Printemps arabes et est un moteur de la transition démocratique de nombreux pays, force est de constater que cette jeunesse, plurielle, reste méconnue et difficile à appréhender.
Depuis 3 ans, le projet « SAHWA », coordonné par le Barcelona Center for International Affairs, mobilise des chercheurs méditerranéens dans le but de mieux comprendre et connaître cette jeunesse. Financé par la Commission Européenne et mobilisant 15 partenaires (Universités des deux rives de la Méditerranée, organisations européennes, ANIMA etc.), « SAHWA » est un vaste projet de recherche mené dans 5 pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Liban, Egypte).
Une analyse pluridisciplinaire a permis d’établir une cartographie de la situation dans chaque pays, dans une optique comparative, afin d’aider les décideurs politiques dans leur prise de décisions. Les résultats de cette étude se basent sur un travail de collecte de données sur le terrain, auprès d’environ 10 000 jeunes qui ont pu exprimer leur point de vue sur différents sujets tels que leurs opportunités (emploi/ éducation), leur engagement politique, leurs valeurs et représentations ou encore sur des sujets plus transverses comme le genre et les migrations.
Cet ambitieux projet devrait permettre à l’avenir de construire des politiques publiques nationales et de coopération euro-méditerranéenne en adéquation avec les attentes des jeunes, citoyens de demain.
Une première table-ronde a permis de faire un tour d’horizon des initiatives régionales, notamment en matière de formation des jeunes et de développement de la culture entrepreneuriale.
Espaces de co-working, Fab Labs, fonds d’investissement, incubateurs se multiplient en Méditerranée, mais comme le souligne Amina Ziane-Cherif, Chef de Projet au sein d’ANIMA, « s’il y a du dynamisme, il y a aussi des défis ».
En effet, l’environnement n’est pas toujours très favorable à l’entrepreneuriat et l’accès au financement demeure difficile même si de plus en plus d’accélérateurs et d’incubateurs s’implantent en Afrique du Nord. Le problème majeur est le manque de culture entrepreneuriale. Traditionnellement, la culture de l’investissement est peu développée en Méditerranée où il existe une forte aversion au risque. Les jeunes sont aussi encore assez réticents face à la prise de risque liée à l’entrepreneuriat, et préfèrent souvent s’orienter vers la fonction publique ou vers les gr andes entreprises. Zineb Rharrasse, Cofondatrice et Directrice générale de Startup Maroc, constate cependant un réel intérêt des jeunes sur la question depuis qu’elle a lancé en 2011 des événements de sensibilisation au sujet des start-ups. Si, comme le souligne Guillaume Thureau du Réseau espagnol des Ecoles de la 2ème chance, « la créativité et l’innovation sont des caractéristiques de la jeunesse », la région méditerranéenne possède alors un fort potentiel. L’entrepreneuriat social peut susciter l’adhésion des jeunes, qui sont par ailleurs à la recherche de projets porteurs de sens, répondant aux défis sociétaux ou environnementaux actuels.
Afin de favoriser l’émergence d’une culture entrepreneuriale, il faut outiller et accompagner ces jeunes en leur proposant des formations adéquates. Rasha Tantawy (Chef de Support Business & Entrepreneuriat, TIEC) constate par exemple qu’il y a beaucoup d’idées innovantes en Egypte mais qu’il y a peu d’innovations de qualité. Elle déplore les limites du système éducatif dans ce domaine et des cursus universitaires qui ne favorisent pas assez l’innovation et le croisement des compétences (ingénierie, marketing etc.). Le lancement de la plateforme Egypt Innovate doit palier à ce manque, en proposant de nombreux contenus en langue arabe, dont notamment des études de cas.
Lors d’une seconde table-ronde, des experts ont apporté des éléments de réponse sur les moyens de propulser les entreprises vers la création de valeur.
Tony Bury, PDG de Mowgli Foundation (Royaume-Uni) a insisté sur l’importance du mentorat dans le développement du capital humain. Le mentorat est un facteur-clé de réussite de l’entrepreneuriat, dans son rôle de soutien et d’inspiration pour l’entrepreneur. Le mentor peut anticiper les problèmes, identifier les risques et il offre des capacités supplémentaires à celui qui bénéficie de ses conseils. Afin de trouver des financements, l’entrepreneur pourra également faire appel à des Business Angels, l’expérience de l’Afrique montre que cette pratique se développe de plus en plus. Des incubateurs privés sont également créés, comme l’initiative tunisienne Wiki Start-up qui vise à stimuler et à créer un environnement favorable à l’innovation, face à l’inertie des politiques publiques. Enfin, Hub Africa est la première plateforme de mise en relation et en réseau des entrepreneurs avec les investisseurs en Afrique. Cette plateforme est née au Maroc, sous l’impulsion de Zakaria Fahim, qui a vu l’émergence de la RSE dans son pays et a acquis la conviction que l’économie devait être au service de l’homme et qu’il était nécessaire de développer l’entrepreneuriat social. Pour y parvenir, l’Afrique doit encore faire face à de nombreux défis : sortir de l’économie informelle, offrir une couverture sociale qui protège l’entrepreneur, développer des partenariats WIN-WIN entre les pays et explorer de nouvelles pistes de financement comme le « crowdfunding ».
Histoires d’entrepreneurs : retours d’expériences et inspirations
Khaled Bouchoucha, Président directeur général d’IRIS Technologies en Tunisie
Promis à une brillante carrière d’ingénieur aéronautique, Khaled décide pourtant de tout quitter pour se lancer dans « l’aventure entrepreneuriale ». Il trouve l’inspiration auprès de son père, apiculteur amateur, qui rencontre des difficultés dans la gestion de ses ruches et décide alors d’inventer un système de ruche connectée qui permet, grâce aux nouvelles technologies, d’analyser l’environnement des abeilles et de lancer des alertes pour mieux anticiper. Primé par plusieurs concours, il réussit une levée de fonds de 180 000 euros pour développer son projet. Malgré sa méconnaissance initiale des business models et quelques idées reçues sur l’entrepreneuriat, il apprend à éviter les écueils qui conduisent à l’échec, et parvient grâce au soutien de son mentor et à son équipe à écrire une success story tunisienne.
Michel Athenour, PDG et fondateur d’Autrement, France
Michel Athenour se lance dans l’entrepreneuriat après plusieurs années passées en tant que salarié d’une gr ande entreprise. Il a créé 2 sociétés : CITYVOX (revendue par la suite à Orange) et AUTREMENT. La dernière en date possède 34 actionnaires et a levé 1,2 millions d’euros. Son expérience de la relation avec les investisseurs est riche en enseignements. Contrairement aux idées reçues, il a tenu à témoigner que les relations avec les investisseurs ne sont ni difficiles, ni chronophages et ne représentent pas une perte de liberté et de pouvoir. Il met également en garde contre les erreurs les plus courantes dans la levée de fonds, celle-ci n’est pas toujours indispensable et doit se faire au bon moment et pour de bonnes raisons.
Sahbi Othmani, Directeur Général, NCA Rouiba, Algérie
Sahbi Othmani a repris le flambeau de l’entreprise familiale à la fin de ses études. Il a vu cette société familiale qui produit des jus de fruits se moderniser au fil des ans et s’internationaliser. La première étape importante a été l’ouverture du capital à un fonds d’investissement, qui a permis l’apport d’un savoir-faire et un management de l’internationalisation. Une dizaine d’années plus tard, l’entreprise familiale a été contrainte à de nouvelles adaptations pour être plus compétitive. Une rémunération sur la performance a été introduite et les innovations sont favorisées au sein de l’entreprise pour faire évoluer les modes de production. NCA Rouiba poursuit sa croissance et son développement sur les marchés africains et au Maghreb.